Source : Bibliothèques de Paris
L’Heure Joyeuse, la première bibliothèque française pour enfants, fête ses 100 ans. une exposition à la médiathèque Françoise Sagan, du 12 novembre 2024 au 23 mars 2025
Exposition À quoi bon lire ? : Ce titre de l’exposition proposée par le Fonds patrimonial Heure Joyeuse s’inspire de la déclaration provocatrice prononcée par Eugène Morel, défendeur de la modernisation des bibliothèques, lors de l’inauguration de cette institution pionnière :
« Pourquoi, dans quel espoir cette librairie d’enfant. Parce que nous pensons que la bibliothèque libre, la bibliothèque de tous est l’organe essentiel de la cité moderne, parce qu’elle est l’œuvre post-scolaire par excellence, celle qui doit nous accompagner toute la vie. À quoi bon apprendre si tu cesses d’apprendre, à quoi bon savoir lire, si tu n’as rien à lire. […] Nous attendons deux choses de la librairie d’enfants. L’une d’instruire l’enfant, l’autre plus importante : instruire les grands, ceux-là qui n’y entreront pas [..]. Nous avons dit aux enfants : montrez-leur la bibliothèque nouvelle, la bibliothèque avec des fleurs, avec de belles images, et même des histoires qu’on raconte […] »
Eugène Morel, discours d’inauguration de l’Heure joyeuse, 1924.
Au-delà de l’ancrage historique, l’exposition montrera en quoi cette institution a été novatrice et visionnaire. Si aujourd’hui, on n’ouvre plus une bibliothèque sans section jeunesse, dans le même temps la lecture reste une préoccupation politique majeure pour que tous les enfants s’emparent de la lecture.
Les grands axes du parcours
Une utopie née de la Première guerre mondiale
Les premières bibliothèques pour la jeunesse apparaissent en France après la Première guerre mondiale, grâce à des comités américains comme le CARD (Comité américain pour les régions dévastées), qui ouvre des bibliothèques avec un secteur jeunesse dans l’Aisne et à Paris avec la bibliothèque Fessart-Jacqueline Dreyfus-Weill.
Le Book Committee on Children’s Libraries propose à la Ville de Paris de financer une bibliothèque publique et gratuite spécialisée pour la jeunesse. L’Heure joyeuse ouvre dans le Quartier latin, le 12 novembre 1924.
« Le nom choisi d’Heure Joyeuse traduit l’esprit de ce don […]. La bibliothèque pour enfants éveille le meilleur de la curiosité des enfants envers les auteurs, une littérature mondiale pour la jeunesse se développera qui contribuera à une meilleure compréhension et entente au niveau international. »
Caroline Griffiths, présidente du Book Committee, 1924).
Des principes fondateurs innovants :
– L’apport américain : « More a home than a school »
Créer une atmosphère propice à la lecture dans un lieu agréable, réunir garçons et filles dans un même lieu (inédit en 1924), des classes sociales et des âges variés sont le premier objectif de cette bibliothèque.
« Il s’agit plus d’un salon de lecture, d’une maison amie que d’un endroit où on conserve les livres. Des rayons accessibles à un enfant de dix ans [garçon et fille], des fleurs, des rideaux, beaucoup de joie calme et sereine »,
Claire Huchet, première directrice
– L’apport français : éducation nouvelle et participation des enfants à la vie de la bibliothèque
« [Le lecteur] vient chercher à s’instruire ou à s’amuser. Et pour arriver à ce but, non seulement les bibliothécaires lui ont donné cette liberté, mais elles lui ont donné une certaine participation à la vie de la bibliothèque »
Des lecteurs.
En témoignent les nombreuses productions de lecteurs (expositions, journaux, affiches, etc.) dans une organisation quasi autogérée… Certains sont devenus célèbres par la suite, comme Pierre Belvès, repéré par le Père Castor, Jean Anouilh, déjà brillante plume, ou Claude Roy.
Des figures de femmes pionnières
Claire Huchet, Marguerite Gruny, Mathilde Leriche : ces jeunes bibliothécaires pionnières, inventent le métier de bibliothécaires jeunesse à la française et sont attentives au soutien à la création d’autres bibliothèques.
Le nom Heure Joyeuse est repris comme un label à Reims (1931), Belfort (1934), Versailles (1935), La Rochelle (1936), Orléans (1936), Soissons (1937), Châlons-sur-Marne (1938), Niort (1939), Toulouse (1940), Châtellerault (1943), Limoges (1948), etc.
La défense d’une littérature enfantine de qualité
Dans l’entre-deux guerres, c’est un combat mené conjointement avec des éditeurs et écrivains ayant une même conception de l’enfant. Paul Faucher y « testa » ses premiers albums du Père Castor avant parution. Les bibliothécaires proposaient déjà des ouvrages précieux aux jeunes lecteurs (Macao et Cosmage d’Edy-Legrand, les cartonnages Hetzel …), embryon du futur fonds patrimonial.
Une place particulière accordée à l’oralité
« Les beaux contes contribuent à l’éducation artistique des enfants, affinent leur goût, non seulement par le contenu du conte, mais par la forme, le rythme… »
Mathilde Leriche, 1938
Avant même l’ouverture de l’Heure Joyeuse, les premières bibliothécaires ont commencé à raconter des histoires pour faire entrer les enfants dans l’écrit et l’imaginaire. L’art du conte et l’oralité seront à l’honneur dans l’exposition (quelques enregistrements de contes par les pionnières peuvent y être écoutés) et dans le réseau des bibliothèques jeunesse de Paris en novembre-décembre 2024 (spectacles, performances, heures du conte).
… et à l’interactivité
Les artistes illustrateurs Serge Bloch et Gérard Lo Monaco apportent une touche contemporaine en réalité augmentée en interrogeant à leur manière le titre de l’exposition « À quoi bon lire ? ». Leurs dessins exposés dans les espaces de la médiathèque (RDC et 1er étage) s’animent grâce à l’application « Mr Chip », créée par Serge Bloch pour smartphone et tablette. La mise en situation de lecture décalée et loufoque interpelle petits et grands visiteurs sur leurs propres pratiques de lecture.
Le Fonds patrimonial Heure Joyeuse
L’Heure Joyeuse a constitué au fil des décennies un très riche fonds patrimonial de livres pour enfants avec des documents allant du 16è siècle à aujourd’hui. Sous la menace d’un risque de crue de la Seine, le fonds patrimonial a dû quitter son berceau historique en 2004. Ce sont plus de 100 000 livres, disques, dessins originaux, archives et livres d’artistes qui ont ainsi rejoint la médiathèque Françoise Sagan, dont l’ambition est de mettre en valeur ce fonds afin que tous – des enfants aux chercheurs – puissent y avoir accès dans les meilleures conditions.
Expositions, conférences et ateliers sont organisés régulièrement.
Le fonds est consultable sur place et dispose d’une salle de consultation spécifique au 1er étage de la médiathèque. Il est accompagné d’un fonds de référence sur la littérature pour l’enfance et la jeunesse en libre accès et empruntable.
Retrouvez les collections du fonds patrimonial Heure joyeuse sur le portail des Bibliothèques patrimoniales et spécialisées de la Ville de Paris (catalogue, sélections thématiques, éditorialisation…).
Pour contacter l’équipe du fonds patrimonial Heure joyeuse : bibliotheque.heurejoyeuse-patrimoine@paris.fr
3 dates clés
- 1924 : ouverture de la bibliothèque l’Heure Joyeuse, première bibliothèque française consacrée à la jeunesse, offerte à la Ville de Paris par le Book Committee on Children’s Libraries, 3, rue Boutebrie (Paris, 5ème).
- 1974 : déménagement 6 rue des Prêtres-St-Séverin (Paris, 5ème) avec l’ouverture d’une discothèque et création officielle du Fonds patrimonial Heure Joyeuse.
- 2014 : intégration du Fonds patrimonial pour la jeunesse et des archives Heure Joyeuse dans la médiathèque Françoise Sagan (Paris, 10ème).
Autour de l’exposition
- Invente un nouveau chapitre de Boucle d’or ! le 16 novembre 2024
- Happy hours, itinéraire d’une conteuse, le 30 novembre 2024
- Les livres s’animent le 14 décembre 2024