Quand 2 000 bacs à glace forment une micro-bibliothèque

Une agence d’architecture hollandaise, SHAU, basée à Rotterdam et fondée en 2009 par Florian Heinzelmann, Tobias Hofmann and Daliana Suryawinata, propose une réalisation étonnante. A Bandung, en Indonésie, l’agence SHAU s’est engagé dans un programme dénommé ‘100 micro-bibliothèques’. initié en 2012 afin de rendre l’apprentissage de la lecture attractif et accessible. En effet, malgré le développement de l’économie indonésienne, un taux élevé d’illettrés demeure dans le pays, en raison notamment d’un manque d’installations dédiées. SHAU a livré fin 2015 la première de ces toutes petites bibliothèques.

Les façades de ces micro-bibliothèques sont issues d’un recyclage étonnant : pas moins de 2 000 pots de glaces …
Le parti pris de l’agence est que l’architecture peut rendre les bibliothèques populaires et attractives, à condition qu’elles ne soient plus construites dans le centre-ville mais, au contraire, au plus proche des habitations et de là où vivent les gens.
En somme, des petites bibliothèques certes mais en grand nombre !
Le maire de Bandung Ridwan Kamil s’est emparé du concept et a fourni un premier site à l’agence. La ‘Micro-librairie Bima’ est le premier prototype réalisé d’une série de Micro-librairies prévues en divers lieux à travers l’Indonésie et en Asie du Sud-Est. Des micro-bibliothèques sont déjà en construction ou en préparation dans 13 quartiers différents et parcs de Bandung. Chaque ouvrage est différent tout en remplissant les demandes de chaque site et sa communauté.

Recycler 2 000 grands pots à glace
Ce premier bâtiment est situé à Taman Bima, un quartier habité par des résidents des classes populaire et moyenne indonésiennes. Il s’inscrit dans un petit square disposant d’une scène déjà utilisée par la communauté locale pour des rassemblements, événements et activités sportives. Les intentions du projet étant d’ajouter plutôt que de retirer, SHAU proposa d’agrandir la scène et, en la couvrant, de la protéger de la pluie. C’est ce qui donne à la micro-bibliothèque (160m², y compris la scène) l’impression de flotter.

Le bâtiment est construit d’une simple structure en acier et de dalles de béton pour le sol et le toit. La scène fut refaite en béton et un escalier fut ajouté. Dans ce climat tropical, le but est de créer un climat intérieur plaisant sans user d’air conditionné. Ainsi, il était important d’utiliser pour la façade des matériaux accessibles dans le quartier et qui fussent capables d’ombrager l’intérieur tout en permettant à la lumière du jour de pénétrer et d’engendrer une ventilation efficace.
Au début, les architectes avaient trouvé plusieurs revendeurs de conserves (de la gelée) usées, blanches et transparentes mais sans pouvoir en trouver une quantité suffisante. Pour les remplacer, l’équipe s’est tournée vers les bacs en plastique de crème glacée, vendus en gros. Il se trouva que ces bacs bénéficiaient d’une meilleure image et se révélaient plus stables lorsque le bas était coupé pour la ventilation.

Alors qu’elle étudiait différentes options pour arranger les 2 000 bacs de glace, l’équipe de SHAU réalisa qu’ils pouvaient être interprétés comme des zéros (ouverts) et des 1 (fermés), lui donnant ainsi la possibilité d’intégrer un message dans la façade sous forme de code binaire. SHAU demanda au maire de Bandung, Ridwan Kamil, premier supporter du projet, s’il avait un message pour la micro-librairie et le quartier. Il en avait un : ‘buku adalah jendela dunia’, ce qui signifie «les livres sont les fenêtres du monde». Le message peut être lu en commençant d’en haut à gauche et en spirales vers le bas autour du périmètre. Non seulement la façade donne une nouvelle signification au bâtiment mais les bacs génèrent aussi une ambiance lumineuse agréable à l’intérieur car ils filtrent la lumière du soleil et agissent en ampoules naturelles.
Les bacs sont insérés entre des nervures verticales en acier qui s’étendent du sol au toit et sont inclinées vers l’extérieur pour rejeter l’eau de pluie. En cas de tempête tropicale, des portes glissantes transparentes peuvent être fermées temporairement. Monter et fixer 2 000 bacs, qu’il a fallu préparer un par un, a pris du temps mais les artisans locaux se sont appropriés le projet et ont bientôt amélioré et optimiser la fabrique et la fixation des bacs.


@ Sanrok Studio
La micro-bibliothèque apporte à l’identité du quartier et fait la fierté pour tous ses habitants. Les activités et enseignements sont organisés par l’ONG Dompet Dhuafa (Pocket for the Poor) et l’Indonesian Diaspora Foundation. Cependant, le but final est de permettre aux habitants d’organiser les événements et de maintenir la structure en toute indépendance.


Source :   https://chroniques-architecture.com

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