Copy party

La question est posée clairement par Jean-Michel Salaün dans son Bloc-notes : le 7 mars 2012 restera-t-il comme une date importante dans l’histoire des bibliothèques françaises ? L’avenir le dira mais ne peut-on pas déjà, au delà du « chapeau bas » à faire pour cette merveilleuse idée, parier que cette date est une des briques de l’an 01 des bibliothèques dans leurs rapports au numérique et des services aux usagers à mettre en place dans nos équipements.

Dans toute révolution il y a les usages mais aussi l’offre …et c’est là qu’un an 01 apparait bel et bien !

 Le Point de départ 

Les organisateurs de cette 1ère Copy Party de l’Univers sont : Lionel Maurel (auteur du blog S.I.Lex et Conservateur à la BNF), Olivier Ertzscheid (maître de conférence à l’Université de Nantes et auteur du blog Affordance ) et Silvère Mercier (chargé de médiation numérique à la Bibliothèque publique d’information, et auteur de Bibliosession.net).

Le point de départ de cette brillante idée est, entre autre, une mise à jour de la loi Lang sur la copie privée (datant de 1985), votée par le Sénat en janvier 2012. Dans sa forme actuelle, cette disposition juridique prévoit toujours que l’auteur d’une œuvre « ne peut interdire les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective ».

Mais un amendement récent réduit à peau de chagrin le champ de cette exception au droit d’auteur : désormais, seules les copies « réalisées à partir d’une source licite » seront autorisées. Il faudra donc que l’utilisateur sache qui a diffusé l’œuvre-source, dans quelles conditions, avec ou sans accord des auteurs et des ayants droit… Des informations particulièrement difficiles à dénicher dans le cas d’une œuvre diffusée sur Internet, par exemple. Bref, « cette notion prétend exiger de chaque individu qu’il se livre à un examen juridique approfondi avant de réaliser une copie », résume la Quadrature du Net.

Les bibliothèques : une caverne d’Ali Baba culturelle ?

L’amendement ferme donc de nombreuses portes aux utilisateurs…  Mais selon Lionel Maurel, conservateur à la Bibliothèque nationale de France et juriste, « il semblerait bien qu’il puisse y avoir un effet bénéfique inattendu sur les bibliothèques et leurs usagers » : puisque « le prêt en bibliothèque ou la consultation de documents sur place constituent bien une manière licite d’accéder aux œuvres » et que la copie privée doit provenir de sources licites, il s’établit « avec davantage de certitude » qu’hier qu’une bibliothèque devient une caverne d’Ali Baba culturelle où piocher légalement autant de contenus protégés que l’on souhaite.

Une Copy party : comment cela marche  ?

Une de ces exceptions est la copie privée qui sert de fondement à la Copy Party. Elle figure à l’article L. 122-5 du Code :

Article L122-5
Lorsque l’oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire :
[…]
2° Les copies ou reproductions réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l’exception des copies des oeuvres d’art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’oeuvre originale a été créée et des copies d’un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l’article L. 122-6-1 ainsi que des copies ou des reproductions d’une base de données électronique

Cet article s’applique au droit d’auteur et un autre article du Code concerne les droits voisins :

Article L211-3
Les bénéficiaires des droits ouverts au présent titre ne peuvent interdire :
[…]
2° Les reproductions réalisées à partir d’une source licite, strictement réservées à l’usage privé de la personne qui les réalise et non destinées à une utilisation collective

Tous les participants sont invités à copier les livres, CD, ou DVD issus des fonds des bibliothèques, en usant de l’exception pour copie privée prévue dans le code de la propriété intellectuelle. Celle-ci dispose que l’auteur ne peut pas interdire « les copies ou reproductions réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective ». Peu importe que l’on soit déjà propriétaire du support originel ou qu’on l’ait simplement emprunté, pourvu que la source ne soit pas illicite.

Pour éviter tout risque juridique, les organisateurs exigent simplement que chaque « copiste » utilise son propre matériel de copie, et non celui d’un autre participant. Il faut donc venir équipé de son propre scanner, appareil photo, graveur DVD, etc. Par ailleurs, il sera interdit de contourner une mesure technique de protection (DRM) pour réaliser la copie, quand bien même le code de la propriété intellectuelle interdit aux DRM d’interdire la copie privée. Enfin, il faudra signer un engagement à n’utiliser la copie que pour son propre usage personnel, comme l’exige la loi.

 La problématiques du partage des oeuvres aujourd”hui

« Au travers d’une action symbolique, militante et festive, il s’agit de sensibiliser les usagers à la législation sur le droit d’auteur et la copie privée ainsi qu’aux problématiques du partage des oeuvres aujourd”hui« , expliquent les organisateurs. Ils veulent « questionner les acteurs politiques nationaux et locaux sur l’essor des politiques de criminalisation des pratiques numériques et sur l’urgence de maintenir une libre circulation des savoirs dans le cadre d’une offre légale« .

En limitant les objets copiés à ceux présents dans les rayons des bibliothèques, ils veulent aussi « attirer l’attention sur l’intérêt et le rôle des bibliothèques dans la diffusion, le partage et l’accès aux connaissances au XXI ème siècle« .

 Si des collègues se posent des questions sur « comment faire une copy party demain matin dans sa bibliothèque »  … Lionel Maurel propose un document type FAQ (8 en l’occurrence) disponibles ici

 https://www.bibliofrance.org/images/stories/88x31.png Durel Eric pour Bibliofrance.org


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Voir aussi 

le hastag  #copyparty  sur twitter

Le site de la manifestation 

http://blogs.iutlaroche.univ-nantes.fr/copy-party/

Le blog des auteurs 

http://scinfolex.wordpress.com/2012/03/04/le-cadre-juridique-de-la-copy-party-en-dix-questions/
http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2012/02/1ere-mondiale-copy-party-bibliotheque-la-roche-sur-yon.html
http://www.bibliobsession.net/2012/02/28/copy-party-pourquoi-comment-quels-outils/

Des réactions ou articles dans les médias et la Blogosphère 

http://www.numerama.com/magazine/21922-mercredi-c-est-copy-party.html

http://www.ecrans.fr/Copy-Party-c-est-la-fete-a-la,14217.html

http://www.franceinfo.fr/player/embed-share?content=546147

http://blogues.ebsi.umontreal.ca/jms/index.php/post/2012/03/08/Copy-party-et-fin-de-parenth%C3%A8se-Gutenberg

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