Le Manifeste de Ljubljana sur la lecture

Repéré grâce au site Actualitte, cet appel est avant tout le fruit, en amont, d’un travail d’étude de plusieurs chercheurs sur la lecture. « Pourquoi la lecture de haut niveau est importante » : ainsi s’intitule l’article scientifique publié par André Schüller-Zwierlein, Anne Mangen, Miha Kovač et Adriaan van der Weel, une équipe internationale réunissant Allemagne, Norvège, Slovénie et Pays-Bas.
Le « Manifeste de Ljubljana » entend faire connaitre ces différents objectifs, pour le développement de la lecture longue. Il reprend les observations, les conclusions et les recommandations formulées par les quatre chercheurs, en invitant les individus et les organisations à relayer le message auprès des responsables politiques.

« Nous demandons donc que l’éducation et la promotion de la lecture, l’évaluation et la recherche, afin de reconnaître l’importance de la lecture de haut niveau en tant que capacité de la vie et de la société », soulignent les chercheurs et les signataires, parmi lesquels l’Union Internationale pour les Livres de Jeunesse (IBBY), organisation internationale décerne chaque année le Prix Hans-Christian-Andersen, considéré comme le Prix Nobel de la littérature jeunesse, et milite pour la mise en avant des livres et de la lecture auprès des plus jeunes.

Outre l’IBBY, plusieurs structures internationales du livre et de l’édition ont apporté leur soutien, comme l’Union internationale des éditeurs, la Fédération des Éditeurs Européens, PEN International ou encore la Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques.

Nous reportons ci-dessous l’intégralité de ce manifeste >>

L’importance de la lecture de haut niveau: Un manifeste

Soutenu par: International Publishers Association German Academy for Language and Literature Federation of European Publishers EU-READ, Consortium of European reading promotion organisations PEN International International Federation of Library Associations The International Board on Books for Young People (IBBY) Slovenian Book Agency

La lecture de haut niveau est notre outil le plus puissant de pensée analytique et critique. Elle exerce la métacognition et la patience cognitive, élargit nos capacités conceptuelles, forme à l’empathie cognitive et à la prise de recul — compétences sociales indispensables pour des citoyens informés dans une société démocratique. Les signataires de ce manifeste appellent à reconnaître l’importance permanente de la lecture de haut niveau à l’ère numérique.

Comment inverser la tendance à la baisse des compétences en lecture est l’un des défis urgents auxquels est aujourd’hui confrontée la société. Pour participer en tant que citoyens informés à une société démocratique, nous avons besoin de compétences et pratiques de lecture de haut niveau qui vont bien au-delà du simple décodage de textes. La lecture n’est pas seulement le moyen principal de développement personnel, le fondement de l’apprentissage tout au long de la vie et la base d’une grande partie de nos échanges d’informations, mais aussi une dimension centrale de l’interaction et de la participation sociales. L’ère de l’expansion rapide des technologies de l’écran a mis à notre portée d’énormes quantités de contenus audio, visuels et textuels. La révolution numérique a eu de nombreux effets positifs. Par exemple, les contenus textuels sont devenus plus accessibles dans les zones défavorisées et les besoins des lecteurs souffrant de différents handicaps et incapacités peuvent être mieux pris en compte. Toutefois, nous devons veiller à ce que certaines compétences et certains modes de lecture ne soient pas considérés comme des reliques d’une ancienne ère informationnelle qui s’estomperait rapidement. Il s’agit notamment des livres de plus grande ampleur et de la lecture de haut niveau qu’ils promeuvent. Le monde numérique peut bien favoriser la lecture plus que jamais dans l’histoire, mais il offre en même temps de nombreuses tentations de lire de manière superficielle et dispersée — ou même de ne pas lire du tout. Cela met de plus en plus en péril la lecture de haut niveau. Nous appelons donc à reconsidérer le rôle de la lecture de haut niveau à l’ère numérique. Dans un environnement informationnel de plus en plus complexe, des citoyens informés doivent être capables de distinguer les sources valides et non valides, et d’adapter avec souplesse leur comportement de lecture à des contextes variés. L’acte de lecture de haut niveau est un exercice d’attention et de patience cognitive, qui permet d’élargir le vocabulaire et les capacités conceptuelles, et remet activement en question les idées préconçues des lecteurs. Ce sont particulièrement les textes de plus grande ampleur, tels que les livres, qui aiguisent nos compétences de lecture de haut niveau. Ils nous entraînent à évaluer différentes interprétations, à détecter les contradictions, les partis pris et les erreurs logiques, et à établir les liens sophistiqués et fragiles entre textes et contextes culturels, dont nous avons besoin pour l’échange de jugements et d’émotions humaines. La lecture de haut niveau est notre plus puissant outil de réflexion analytique et stratégique. Sans elle, nous sommes mal équipés pour contrer les simplifications populistes, les théories du complot et la désinformation, ce qui nous rend vulnérables à la manipulation. Cependant, les éducateurs se concentrent de plus en plus sur les médias multimodaux, au détriment d’une implication en profondeur dans l’information textuelle. En outre, en raison d’une propension à l’efficacité, la complexité de la lecture est considérée comme un problème à résoudre par la simplification plutôt que comme un miroir de la complexité humaine et une activité qui favorise la pensée analytique et stratégique. Enfin, de nos jours l’enseignement et l’évaluation de la lecture ont également en commun de mettre l’accent sur les compétences fonctionnelles et informationnelles de base — perdant de vue l’importance, tout au long de la vie, de la lecture de haut niveau pour la pensée critique, condition préalable au bon fonctionnement de la démocratie. Nous demandons donc que l’on reconnaisse — dans l’éducation, dans la promotion de la lecture, ainsi que dans l’évaluation et la recherche dans ces domaines l’importance de la lecture de haut niveau en tant que capacité essentielle à la vie des personnes et de la société. L’enseignement et la promotion de la lecture doivent aller au-delà de l’enseignement d’habiletés fonctionnelles et informationnelles de base aux écoliers et se concentrer sur le processus de développement personnel enrichi la vie durant par la lecture de haut niveau. L’évaluation de la lecture doit aller au-delà des tests standardisés et inclure des données qualitatives et descriptives afin de fournir un diagnostic détaillé de l’état de la lecture de haut niveau dans nos sociétés. La recherche sur la lecture doit élargir son champ d’action en incluant des disciplines telles que la recherche sur les comportements informationnels, l’enseignement de la gestion de l’information, le design des médias, la recherche sur l’attention et les neurosciences, et élaborer un programme de recherche systématique, alignant les perspectives et surmontant la fragmentation. L’avenir de la lecture conditionne l’avenir de nos sociétés. Une société démocratique, fondée sur un consensus multipartite éclairé, ne peut réussir qu’avec des lecteurs résilients, maîtrisant bien la lecture de haut niveau. Les décideurs politiques dans tous les domaines doivent en être conscients. Car, pour reprendre les termes de Margaret Atwood : « S’il n’y a pas de jeunes lecteurs et écrivains, il n’y aura bientôt plus de lecteurs ou d’écrivains plus âgés. L’analphabétisme aura gagné, et la démocratie… sera morte.» Pour de plus amples informations, veuillez consulter https://doi.org/10.5210/fm.v27i5.12770

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