Une étude conduite à la demande du ministère de la Culture et de la Communication et disponible sur le site de l’IGB, porte sur « Les bibliothèques et l’accès des « seniors » et des personnes âgées à la lecture ». Cette étude a un double objet : d’une part, l’analyse des pratiques de lecture des seniors et des personnes âgées en bibliothèque, d’autre part l’évaluation des services de bibliothèque proposés hors les murs aux personnes âgées.
Dans son édito, Yves ALIX, Inspecteur ge?ne?ral des bibliothe?ques rappelle que les enquêtes nationales, par exemple Pratiques culturelles des Français, montrent que les plus de soixante ans, contrairement à une idée reçue, sont de faibles utilisateurs des bibliothèques, et que cette désaffection ne fait que s’accentuer avec l’avancée en âge. Comprendre les ressorts de ce qui apparaît doublement paradoxal, puisque les seniors sont censés avoir du temps libre et que les personnes âgées d’aujourd’hui sont beaucoup plus actives culturellement que leurs aînées, est un travail difficile, mais nécessaire, afin que les bibliothèques puissent offrir des services autour de la lecture attractifs à tout âge et capables de prévenir aussi bien le décrochage précoce avec la bibliothèque au moment de la retraite que la déprise liée au grand âge.
Pour les publics âgés empêchés, les bibliothèques publiques se sont investies avec énergie dans des services hors les murs tels que le portage à domicile ou la desserte des établissements d’hébergement et des maisons de retraite. Ce mouvement doit aujourd’hui être relayé, encadré et soutenu car, si l’offre se développe, les initiatives sont le plus souvent isolées. Or, le partenariat est une des clés de la réussite, que ce soit avec les organismes sociaux ou de santé, les associations, les autres acteurs culturels. Des expériences pilotes peuvent être encouragées et accompagnées.
Dans ses conclusions, le même Yves Alix, avance que le tre?s faible taux d’inscription et de fre?quentation des bibliothe?ques, par ceux que l’on de?signe comme les seniors, ne doit pas e?tre conside?re? comme une fatalite?.
Il est indispensable que d’autres e?tudes soient mene?es pour en comprendre mieux les raisons et que les bibliothe?caires s’impliquent dans cette recherche. E?viter les de?crochages successifs qui se produisent, d’abord au moment du de?part en retraite, puis avec le grand a?ge, proposer un service de qualite? hors les murs de?s que les premiers signes de perte d’autonomie se manifestent, sont des aspects diffe?rents d’une me?me question : comment accueillir, retenir et satisfaire la personne a?ge?e, comment contribuer a? sa vie intellectuelle et culturelle.
Pour lui, les bibliothe?caires, tre?s attache?s a? la reconnaissance sociale de leurs missions, conside?rent comme une de leurs fonctions sociales de base le service aux personnes empe?che?es (malades, personnes a?ge?es, de?tenus, etc.), dans la mesure ou? les bibliothe?ques doivent pouvoir e?tre utilise?es par tous les citoyens. Il importe donc que les pouvoirs publics confortent les initiatives qu’elles ont prises, s’emploient a? les faire mieux connai?tre et a? de?gager des pratiques un cadre commun qui puisse profiter a? tous.
Alors que la pratique de la lecture e?volue tre?s vite, la prise en compte des besoins des personnes a?ge?es doit constituer une priorite?. D’abord, pour professionnaliser et de?velopper l’offre et reconque?rir les publics a?ge?s d’aujourd’hui et reconstituer une chai?ne continue, afin que la transmission de la pratique se fasse d’un groupe d’a?ge a? l’autre. Ensuite, pour se pre?parer a? l’arrive?e prochaine a? la retraite d’actifs initie?s a? l’informatique et dont la demande de lecture prendra des formes tre?s diffe?rentes. En attendant le vieillissement des ge?ne?rations ne?es nume?riques.
Les enjeux sont de taille.
Dans une génération, les plus de soixante ans représenteront 30 % de la population et plus d’un million de Français seront en situation de dépendance. Il est temps de penser aussi aux formes nouvelles que devra prendre l’offre de lecture hors les murs pour les personnes âgées dans les deux décennies à venir : cette offre devra inclure livre numérique, outils nomades et accès à distance, car les techniques étrangères à la plupart des plus de 70 ans aujourd’hui, seront familières – et indispensables – aux retraités des générations suivantes.
Durel Eric pour Bibliofrance.org