Croisement de deux buzz aussi significatifs des soubresauts sociétaux du moment qu’ils sont inquiétants pour nos institutions et la pluralité de celle-ci : lundi, un communiqué de presse de la Ministre de la Culture faisant état de tentatives de pression sur des bibliothèques quant à leur politique d’acquisition et mardi, un brulot médiatique contre Tous à Poil, un ouvrage jeunesse datant de 2011, accusé de « pervertir notre jeunesse » et qui serait [Sic] « produit par le centre de documentation pédagogique, et ferait [re-Sic] « partie de la liste des livres recommandés aux enseignants pour faire la classe aux enfants de primaire » …
Acte 1 : La ministre de la culture, Aurélie Filippetti, a dénoncé, lundi 10 février, les pressions exercées contre des bibliothèques municipales par des personnes exigeant le retrait de certains ouvrages.« Près d’une trentaine de bibliothèques publiques ont fait l’objet, ces derniers jours, de pressions croissantes de la part de groupuscules fédérés sur Internet par des mouvements extrémistes qui en appellent désormais à la lutte contre ce qu’ils appellent les ‘bibliothèques idéologiques’ », affirme la ministre dans un communiqué. Ces actions auraient notamment visé les villes de Versailles, Rennes, Nantes, Dole, Toulon, Lamballe, Saint-Etienne, Troyes, Le Chesnay, Massy, St-Germain en Laye, Andernos-les-Bains, Neuilly-sur-Seine, Mérignac, Tours, Strasbourg, Castelnaudary, Quimperlé, Boulogne-Billancourt, Riom, Clermont-Ferrand, Lyon, Viroflay et Cherbourg.
Acte 2 : Le président de l’UMP, Jean-François Copé s »enflamme sur un ouvrage jeunesse, datant de 2011, accusé de « pervertir notre jeunesse » et prétendument conseillé par le Ministère de l’éducation nationale. C’est, comme le remarque Samuel Laurent dans son blog, à tort que Jean-François Copé accuse celui-ci et ce livre.
Au delà du fait que cet ouvrage va profiter d’un coup de publicité incroyable (il est au top des ventes cette semaine …), l’on voit bien les désastres que peuvent causer toutes récupération de ces champs par la classe politique. Faisons confiance aux bibliothécaires pour la qualité et le pluralisme de leurs politiques d’acquisition !
L’ABF dans un communiqué de ce jour rappelle cette chose essentielle :
… les bibliothécaires … en achetant livres et autres documents, sont fidèles à la vocation des bibliothèques, telle qu’inscrite dans le Manifeste de l’Unesco, à proposer « des collections reflétant les tendances contemporaines et l’évolution de la société ». Comme l’affirme le code de déontologie de l’Association des Bibliothécaires de France, le bibliothécaire s’engage, en effet, à favoriser la réflexion de chacun et chacune par la constitution de collections répondant à des critères d’objectivité, d’impartialité, de pluralité d’opinion, à ne pratiquer aucune censure, et à offrir aux usagers l’ensemble des documents nécessaires à sa compréhension autonome des débats publics et de l’actualité.
Dans ce communiqué, l’ABF de façon assez habile salue aussi :
– … les élus et les élues qui ont à cœur, dans leurs projets politiques, de faire de leurs territoires des lieux où chacun et chacune trouve à s’exprimer, à se construire et à se penser comme citoyen dans sa diversité et qui reconnaissent aux bibliothèques leur rôle dans la réussite de cette mission.
et aussi
– … le public des bibliothèques, enfants, adolescents ou adultes qui par leurs demandes variées, nous donnent l’opportunité de construire une offre pluraliste de ressources et de services. Par là même, ils accompagnent l’action des bibliothécaires en faveur de l’égalité.
Pour la profession, une question reste entière : comme souvent depuis plusieurs années, au lieu de courir derrière de telle polémique, pourrait-on encore se poser une dernière fois, la question d’une loi sur les Bibliothèques ?
La Finlande elle à répondue à cette question … en 1928 !
Durel Eric pour Bibliofrance.org