Ce mardi 8 novembre 2023, l’ABF publie le communiqué suivant, intitulé « Neutralité, pluralisme et thèmes d’actualité en bibliothèque »
Les bibliothèques publiques ont toujours eu dans leur mission de contribuer à l’information du public sur toutes sortes de sujets. Ceci a été confirmé par la loi n° 2021-1717 du 21 décembre 2021 relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique dont l’article 1 commence par cette phrase :
“Les bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements ont pour missions de garantir l’égal accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs ainsi que de favoriser le développement de la lecture.” Le même article se termine par ce rappel : “Ces missions s’exercent dans le respect des principes de pluralisme des courants d’idées et d’opinions, d’égalité d’accès au service public et de mutabilité et de neutralité du service public.”
La mise en valeur de documents issus du fonds d’une médiathèque, réunis sur une table thématique, pour proposer aux lecteurs un ensemble susceptible de nourrir sa réflexion, participe à l’évidence de cette mission d’information, comme toute autre méthode de traitement de l’actualité.
La légitimité de ce travail des bibliothécaires est incontestable, quand il est exécuté avec le souci constant de la neutralité et du pluralisme que la loi Robert, dans son article 5, impose aux professionnels :
« Les collections des bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements sont pluralistes et diversifiées. Elles représentent, chacune à son niveau ou dans sa spécialité, la multiplicité des connaissances, des courants d’idées et d’opinions et des productions éditoriales. Elles doivent être exemptes de toutes formes de censure idéologique, politique ou religieuse ou de pressions commerciales. Elles sont rendues accessibles à tout public, sur place ou à distance. »
Cet article de loi légitime le Code de déontologie des bibliothécaires (2003, révisé 2020) (§2)
« Les personnels des bibliothèques s’engagent à […] mettre à disposition des publics l’ensemble des ressources et méthodes nécessaires à la construction d’une pensée complexe et autonome : compréhension éclairée des débats publics, de l’actualité, des grandes questions historiques, philosophiques, scientifiques et sociétales.«
La mise en valeur des ressources documentaires, sous forme par exemple de table thématique, n’est pas explicitement mentionnée par la loi, mais son interdiction par une autorité peut constituer une censure au sens où elle empêcherait la bibliothèque de remplir ses missions légitimes. En présence d’une interdiction non concertée, les personnels des bibliothèques sont fondés à émettre une protestation.
Dans le cas d’une actualité très « brûlante », et sans jugement sur les thématiques abordées, l’autorité peut arguer d’un danger pour les personnes – agents ou usagers de la bibliothèque – en raison de l’éventualité d’une réaction violente de personnes qui se sentiraient mises en cause par l’exposition de publications les concernant et ne percevraient pas la neutralité de l’ensemble.
Sans négliger totalement ce risque, il appartient à l’autorité, en concertation avec les bibliothécaires, de l’évaluer en fonction du contexte local en particulier, voire du contexte national. Cette réflexion doit mesurer ce risque de manière raisonnable, doit prendre en compte la primauté de l’information et la nécessité de ne pas céder aux intimidations éventuelles, voire aux hypothèses d’intimidation. Pérennisée ou généralisée, une attitude consistant à céder au « principe de précaution » reviendrait à nier la mission informative des bibliothèques, qui ne peut pas ne pas porter entre autres sur des sujets très controversés dans la société.
En tout état de cause, le principe de neutralité du service public exclut que dans les locaux d’une bibliothèque territoriale s’affiche ou s’exprime de quelque manière que ce soit une prise de position du personnel ou de la collectivité de même qu’aucun prosélytisme ne peut être permis de la part du public.