Frederick Wiseman est un documentariste américain bien connu dans les bibliothèques. Oscarisé cette année, il réalise depuis son premier documentaire : Titicut Follies en 1967) quasiment un film par année. Dans son travail, il s’est principalement appliqué à dresser un portrait social des grandes institutions américaines. Son dernier film « EX LIBRIS The New York Public Library » investit une grande institution du savoir et la révèle comme un lieu d’apprentissage, d’accueil et d’échange.
À la dernière Mostra de Venise, « EX LIBRIS The New York Public Library » a été nommé dans la catégorie Meilleure réalisation, mais aussi pour le Lion d’or… Il a obtenu le Prix FIPRESCI, qui salue « le cinéma de genre, risqué, original et personnel ».
La New York Public Library incite à la lecture, à l’approfondissement des connaissances et est fortement impliquée auprès de ses lecteurs. Grâce à ses 92 sites, la 3ème plus grande bibliothèque du monde rayonne dans trois arrondissements de la ville et participe ainsi à la cohésion sociale des quartiers de New York, cité plurielle et cosmopolite. Comment cet incomparable lieu de vie demeure-t-il l’emblème d’une culture ouverte, accessible et qui s’adresse à tous ?
Pour Frederick Wiseman « La New York Public Library est bienplus représentative de l’Amérique que Trump. » Donc si vous partagez cette affirmation (ou cette interrogation ?) le 1er novembre 2017, bloquez votre soirée, allez dans la salle la plus proche de chez vous qui le programme et partez pour 3 heures et 17 minutes au sein de nos métiers, nos valeurs et … de cette institution qu’est la NYPL.
ENTRETIEN AVEC FREDERICK WISEMAN
EXTRAIT > L’INTÉGRAL ICI HTTPS://WWW.METEORE-FILMS.FR/RESSOURCES/_FILES/1/4758117-47-DP-EXLIBRIS-BD.PDF
(SOURCE METEORE-FILMS.FR)
Vous êtes connu pour votre œuvre sur les institutions américaines qui vous a valu un Oscar d’honneur cette année. Qu’est-ce qui a suscité votre intérêt pour la bibliothèque publique de New York ?
J’ai toujours aimé et beaucoup fréquenté les bibliothèques, parce qu’on y découvre des choses inattendues et parce qu’on peut tout y trouver, par exemple les horaires des trains entre Pinsk et Minsk en 1875 ou la correspondance entre William Butler Yeats et Ottoline Morrell de 1902 !
Je ne m’étais alors pas imaginé tout ce que représentait une bibliothèque comme celle de New York, surtout dans les quartiers populaires.
La New York Public Library (NYPL) a son bâtiment central célèbre, mais aussi près de 90 branches partout dans la ville. C’est aussi l’immensité de leurs archives, de leurs collections, la diversité de leur programmation et l’implication réelle et passionnée de ses équipes, tout comme leur dévotion et capacités à aider les autres qui m’ont attirés.
Un des intervenants du film dit que les bibliothèques sont des «piliers de la démocratie ». N’est-ce pas excessif ?
Je n’avais pas pensé à cela avant le tournage mais, quand j’ai entendu cette phrase, je me suis dit que c’était absolument exact, que cela correspondait à ce que j’étais en train de filmer. La NYPL, ce n’est pas seulement un endroit où on va chercher des livres ou consulter des archives : c’est une institution qui est centrale pour les habitants et les citoyens, notamment dans les quartiers pauvres comme le Bronx, comme
l’étaient auparavant les Community Centers. C’est très impressionnant d’arriver dans un endroit où les gens travaillent vraiment à aider les autres, et notamment les plus pauvres ! On voit dans le film l’étendue du spectre d’activités proposées par la NYPL : des cours de langue pour les immigrés, des cours d’informatique, des aides à la création d’entreprise… On sent à quel point les différents lieux où la NYPL est installée sont importants dans la vie des gens. Mais, surtout, ce sont des endroits où tout le monde peut venir, sans exception, sans avoir besoin de présenter une carte d’identité. Bien sûr, si vous voulez emprunter un ouvrage, il faut montrer une attestation de domicile, mais la NYPL incarne
l’idée profondément démocratique d’être ouverte à tous et de mêler tout le spectre de la société, des membres du comité d’administration de la
NYPL – qui représentent une des classes les plus riches de New York, aux habitants parmi les plus pauvres de Harlem pour lesquels la bibliothèque de quartier est absolument essentielle. Pour moi, la New York Public Library est une illustration de la démocratie « engagée » au quotidien et représente l’une des meilleures facettes de l’Amérique. Alors non, dire que les bibliothèques sont des «piliers de la démocratie » ne me semble pas excessif.
Votre film montre que l’accès à la culture pour tous et l’éducation populaire et civique sont un projet moderne…
C’est tout à fait moderne, parce que la New York Public Library est connectée à tout ce qui se passe dans la société. Dans cette bibliothèque, on ne fait pas que lire : il y a des archives de danse, de théâtre, de musique, on donne des conférences, on organise des projections, on s’occupe des aveugles, des étudiants, des chercheurs… C’est pour cela que c’est une des institutions les plus démocratiques des États-Unis, parce qu’elle est en prise sur tout. J’ai tourné le film à l’automne 2015 et je n’avais alors aucune motivation politique, je pensais simplement que c’était un bon sujet. Mais, par chance, en raison de ce que j’ai trouvé pendant le tournage, et à cause de l’élection de Trump, c’est devenu un film politique.
BANDE ANNONCE DU FILM
https://www.meteore-films.fr/ressources/_files/1/482a7d0-45-ExLibris_TLR-Date.mp4
PHOTOGRAPHIES EXTRAITES DU FILM
Bibliofrance.org
Source : Gabrielle Voigt, Météore Films.