Les manuscrits de Tombouctou

Alors que le Mali est en proie aux combats depuis une semaine, au même moment à Lyon se tenait une rencontre autour des manuscrits de Tombouctou (nord Mali). En 2008, l’INSA et l’ENS de Lyon avaient commencé la traduction et la numérisation de ces trésors historiques, malheureusement interrompue en mars dernier à causes des combats. Face aux récents évènements, l’inquiétude quant au sort réservé à ces manuscrits classés au patrimoine mondial  a grandi d’un cran :la directrice générale de l’Unesco Irina Bokova a appelé mardi les forces militaires maliennes et françaises à protéger le patrimoine culturel du Mali, déjà gravement endommagé à Tombouctou.

Un important projet de numérisation des ouvrages historiques situés à Tombouctou, au Mali, avait pourtant débuté en 2008 à l’INSA de Lyon : ce projet est né dans le cadre d’une coopération décentralisée entre la région Rhône-Alpes et celle de Tombouctou. Ce sont elles qui ont confié à l’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon la numérisation de certains manuscrits et à l’Ecole Normale Supérieure leur traduction. Rhône-Alpes a ainsi accordé une aide de 300 000 euros à l’INSA pour ce projet.

Les chercheurs ont recensé entre 100.000 et 900.000 manuscrits à Tombouctou et ses environs. L’opération de numérisation de milliers d’ouvrages historiques a été interrompue en mars dernier, depuis le coup d’état et l’occupation des troupes djihadistes au Mali. Ces derniers ont déjà entrepris la destruction d’autres trésors, notamment des mausolées.

Concrètement, l’Insa avait installé un équipement de numérisation à l’Assemblée Générale de Tombouctou et notamment un scanner qui permettait de numériser sans émettre de rayons ultraviolets, ni d’infrarouges. Un technicien a été formé pour réaliser ce travail qui a pu se dérouler de septembre 2009 à mars 2010. Une centaine de manuscrits (sur plus de 4500) détenu par un propriétaire privé, ont pu être numérisé mais avec les tensions et les combats, cette sauvegarde a été suspendue.

« Tombouctou a été une cité d’un rayonnement exceptionnel à la fin du Moyen-Age et à la Renaissance, il faut continuer ce travail de numérisation qui est un rempart contre l’obscurantisme », a déclaré vendredi Jean-Jack Queyranne. 
Une partie du travail des chercheurs de l’INSA a tout de même été présenté vendredi après-midi, à la région Rhône-Alpes. 

Sur le site de l’UNESCO, une galerie photo permet de les découvrir. 

Quant au journaliste Jean-Michel Djian qui déjà en 2004, tirait une sonnette d’alarme dans le Monde Diplomatique sur les dangers que courent ce patrimoine inestimable il à sorti, en octobre 2012 chez JC Lattès, un ouvrage précieux,  où il donnait un avant-gout de l’histoire fabuleuse de ces manuscrits :

« Sur des parchemins, sur des papiers d’Orient, sur des omoplates de chameau ou des peaux de mouton, tout est noté, commenté, référé : le cours du sel et des épices, les actes de justice, les ventes, les précis de pharmacopée (dont un traité sur les méfaits du tabac), des conseils sur les relations sexuelles, des précis de grammaire ou de mathématiques.  Après l’effondrement de l’empire Songhaï au XVIIe siècle, ces manuscrits ont été oubliés, conservés dans des cantines rouillées et des caves poussiéreuses, mangés par le sel et le sable. Mais les choses changent : les héritiers des grandes familles ouvrent des bibliothèques privées, l’institut Ahmed Baba est crée, l’Unesco et les chercheurs du monde entier s’y intéressent. Le professeur Georges Bohas estime que seulement 1% des textes sont traduits et 10% catalogués. « 

Toujours pour Jean-Michel Djian, une partie d’entre eux sont partis clandestinement à Bamako, ils sont cachés et une partie est à Paris ».


https://www.bibliofrance.org/images/stories/88x31.png Durel Eric pour Bibliofrance.org 

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